Musée Histoire de la galoche - Val de Virieu

Histoire de la galoche, d’hier à aujourd’hui

« C’est dans le souvenir de ce qu’ont fait les aïeux, que l’on prend pleinement connaissance d’une région ».

Mais qu’est ce qu’une galoche ?

Les Galoches sont des chaussures composées d'une semelle en bois nommée « galochon » ou « bois de galoche » au-dessus de laquelle est pratiquée une feuillure périphérique, « la fouillure », permettant d'insérer la partie supérieure en cuir appelée « tige ». L'ensemble est assemblé par clouage.

Une origine qui remonte au temps
de nos ancêtres les Gaulois

Les Galoches, sous une forme proche de celle que l’on connaît, étaient déjà utilisées par les Gaulois sous le nom de « gallica » et par les Romains sous celui de « caliges ». D'après le moine Saint Gal, auteur d’ « une vie de Charlemagne », l'empereur aurait apprécié ces chaussures. Bernard, son petit-fils et roi d’Italie, en portait aussi. En 1639, lorsque son tombeau fut ouvert, on y découvrit, intacts, des souliers de cuir rouge munis d’une semelle de bois. Dans la mémoire collective, le sabot est plus connu et reconnu. Il tient une large place quand on aborde l’histoire de la chaussure. Mais il faut savoir que l’usage du sabot, pièce de bois taillée, était plutôt réservé aux zones de plaine, à l’inverse des galoches plus portées dans les régions de collines ou en montagne. Nous comprenons donc mieux l’importance qu’elles ont eue dans notre région Rhône-Alpes et dans le département de l’Isère.

Un siècle (1850-1950) de prospérité pour la galoche dans la Vallée de la Bourbre et le Nord-Isère

Dès le XIIIe siècle, le travail de la chaussure devient une activité dans le Bas-Dauphiné en associant cuir des bêtes et bois de la région. Elle devient plus importante au XIXe siècle par le développement du métier de cordonniers et galochiers. Pour l’exemple, en 1848, on recense, dans le canton de Rives, en Isère, 208 personnes exerçant ce métier. Elle s’industrialise dès le XXe siècle par la création de nombreux ateliers en usine ou à domicile. Le berceau de cette industrialisation iséroise est situé à Saint-Symphorien-d’Ozon. Déjà, en 1822, Benoît Guillaud-Bataille, cultivateur-galochier et en 1831 Pierre Chamard-Guttin, galochier et marchand d’épices participent à la confection de ces chaussures, tout comme de nombreux habitants de la région. Début des années 1900, Eugène Gonin à Virieu, M. Frappat à Bilieu, M. Degoud et Célestin Chaboud à Valencogne, fabriquent artisanalement des galoches. En 1912, quittant Saint-Symphorien-d’Ozon, Anselme Terrasse ainsi que ses beaux-frères Félix et Antoine Blanc décident de s'installer à Virieu-sur-Bourbre dans un ancien couvent de religieuses. Cela sera le début d’une grande aventure industrielle. Mais pas que…

Les différents métiers manuels
au service d’une production industrielle

Des galochons sont fabriqués à la scierie Rabatel, située au pied du château de Virieu. La scierie est actionnée par l'énergie hydraulique du ruisseau de « Vaugelas ». En été, lorsque le débit est trop faible, c’est une machine à vapeur, alimentée avec les déchets de sciage, qui prend le relais. La production de la scierie n'est pas uniquement destinée à l'usage local. En effet les expéditions par voie ferrée les transportent par milliers de paires, dans la région Rhône-Alpes et parfois plus loin encore.

En 1919, Anselme Terrasse fait venir son frère Camille dans le but de créer une fabrique de semelles de bois pour approvisionner la galocherie. La matière première provient entre-autre de Saint-Antoine-l'Abbaye sous la forme de grumes, pour être débitées et façonnée grâce à des machines spéciales.

Parallèlement, à Oyeu, dans les années 1920, Valéry Meunier-Carus donne naissance à son entreprise pour exercer ce métier. Toute la famille participe pour débiter les billes de hêtre et de frêne provenant du massif de Chartreuse. Par ces premières opérations de sciage, les « ébauchons » obtenus préfigurent la semelle. Suite à un séchage d'environ trois mois, ces derniers sont travaillés pour donner leurs formes et leurs pointures définitives. Certains galochons comportent une rainure en forme de gouttière sur le chant du talon, destinée à recevoir le câble d’un ski ; la galoche devenait alors une chaussure de ski. Au début, tout était exécuté avec des outils à main, puis apparaissent des machines adaptées. On note que la production s'élève à 200 paires de « galochons » par jour. Le tout est expédié dans la région Rhône-Alpes et vers la galocherie de Virieu. A la même époque, M. Pegoud, à Le Pin, confectionne lui aussi des semelles en bois dans un petit atelier. Au Grand-Lemps, ville voisine, Georges Lacroix et son épouse fabriquent artisanalement des galoches dans un atelier situé en face de la maison du célèbre artiste-peintre Pierre Bonnard.

A l’intérieur même de la galocherie, les divers éléments formant la partie supérieure de la galoche sont découpés dans le cuir à l'aide de tranchets. Pour cela les « coupeurs » suivent le contour de patrons métalliques. Plus tard, une presse permettra de découper les différentes parties de cuir à l’aide d’emporte-pièces métalliques.

L'opération de couture des différentes pièces entre elles est confiée aux femmes, nommées les « piqueuses ». Ceci se fait à domicile dans de nombreux foyers de la vallée de la Bourbre. Des machines à coudre adaptées sont mises à leurs dispositions par la galocherie.

L’assemblage final de « la tige » sur le galochon se fait aussi à domicile par ceux qu’on appelle les « monteurs ». Ces derniers viennent prendre à la galocherie les divers éléments à assembler. C’est le cas d'Adolphe Gally de Châbons qui, chaque vendredi, livre ses 72 paires de galoches.

Le monteur pose sur la semelle de bois une « forme » en bois correspondant à la pointure de la galoche à réaliser. Cette forme est composée de plusieurs parties de façon à pouvoir être extraite une fois le montage terminé. La « tige » en cuir est déposée sur la forme et tendue à l’aide d’une pince à tendre de galochier. Quelques pointes assurent la tension, avant que le monteur cloue toute la périphérie en enfonçant les pointes jusqu’au fond de la rainure de la semelle de bois. Pour se faire, il utilise un marteau spécial pour enfoncer les pointes qu’il a stockées dans sa bouche. L’opération de clouage terminée, le surplus de cuir est découpé à l’aide d’un tranchet sur tout le tour de la semelle. Puis une opération de teinture du bois, en brun ou en noir, vient finir ce travail. Tout au long de la journée, et jusqu'à des heures avancées de la nuit, on pouvait ainsi entendre dans les villages, le bruit caractéristique des marteaux qui enfoncent des milliers de pointes. Un signe révélateur de l’importance de l'industrie de la galoche est l’approvisionnement des pointes, qui représente parfois un wagon entier en gare de Panissage, village voisin de Virieu.

Charles Guillaud, marchand de chaussures, a débuté sa carrière comme « monteur-galochier » au sein de la société MIRELLA, une autre galocherie de Virieu. Les associés Messieurs Pégat et Blanchin en étaient les patrons. En 1948, la société émigra à Saint-Genix-sur-Guiers où elle continua, un temps, à produire des galoches. Parallèlement, Auguste Guigard, lui aussi « monteur-galochier » dans la même société, se mit à son compte comme galochier durant quelques années.

A cette époque, la production de galoches emploie dans la vallée plus d'une centaine de personnes qui forment en juillet 1945 « L’Union Syndicale des Galochiers de Virieu ».

Malheureusement, à partir de 1950, l’usage des galoches tombe en désuétude et, en 1959, la galocherie Blanc-et-Terrasse doit fermer ses portes, sanctionnant ainsi la fin d’une activité, dont on a encore du mal aujourd'hui à mesurer l’ampleur et l’importance.

Que sont devenus les galochiers ?

C’est au lendemain de la seconde guerre mondiale, que la fabrication des galoches voit sa production diminuer. L’arrivée de produits manufacturés, à base de caoutchouc naturel ou synthétique, venant des USA et la destruction de l’outil de production à la fin de la guerre expliquent la faillite de milliers de galochiers.

Dans les années 1960, le savoir-faire des ouvriers galochiers de la vallée de la Bourbre leurs permet de se reconvertir dans la fabrication de chaussures qui est, en Rhône-Alpes et plus particulièrement dans le département de l’Isère, une activité toujours florissante. Mais la concurrence et le développement de la production étrangère entrainent la réduction des ventes et la fermeture définitive des entreprises locales dans les années 1980.

En 2004, à Sermèrieu, le dernier galochier, en Isère, Gérard Guicherd, ferme son magasin et met fin, ainsi, au dernier atelier artisanal de fabrication de galoches locales.

Aujourd’hui, une dizaine d’artisans passionnés exercent encore le métier de galochiers en France. En Isère, seul l’artisan Lady, à Charnècles, fabrique encore ce type de chaussures à semelles de bois. Mais la vallée de la Bourbre reste attachée au monde de la chaussure et à sa fabrication. C’est à Panissage, commune attenante à Virieu-sur-Bourbre, qu’exerce depuis 1970, la société Reltex, seul fabricant au monde de semelles 100% en lait d’hévéa naturel. Son savoir-faire et son excellence sont reconnus mondialement. Elle est, à ce jour, titulaire du « Label Entreprise du Patrimoine Vivant », suprême consécration, présente à l’inventaire des Métiers d’Art Rares, qui s’inscrit dans le cadre de la convention de l’Unesco pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Vous pouvez découvrir, dans l'onglet Histoire de la galoche aujourd'hui, nos partenaires galochiers encore en activité en France.

Création dans la vallée de la Bourbre
d’un lieu de mémoire pour la sauvegarde
d’un patrimoine artisanal et industriel

La tradition orale perd tout doucement la mémoire de cette belle aventure industrielle.

La municipalité de Virieu-sur-Bourbre a eu la judicieuse idée, ainsi que l’opportunité, de permettre que soit préservé le souvenir de cette activité en créant un lieu de mémoire relatif à l’activité de la fabrication des galoches au sein de la vallée de la Bourbre. Quel bel hommage rendu aux ancêtres qui ont œuvré à la confection de celles-ci.

En 2012, à l’initiative d’un passionné, Louis Fournier, un musée de « poche » voit le jour au centre du village par la reconstitution d’un ancien atelier. Cet espace patrimonial transmet la mémoire de l’activité industrielle de la galoche. Il ne s’agit pas proprement parlé d’un musée, mais c’est le seul lieu en France consacré exclusivement à cet objet du quotidien, qui a chaussé des générations de Français et a fait vivre des milliers de personnes dans la vallée pendant un siècle. Devant l’intérêt porté à cet espace, Louis Fournier, voit plus grand.

En 2019, grâce à la mobilisation de la commune de Val-de-Virieu (commune nouvelle regroupant Panissage et Virieu sur Bourbre), de la famille de Virieu, propriétaire du château de Virieu, d’une poignée d’amis bénévoles, de nombreuses personnes donatrices d’objets et machines, l’Association du Patrimoine de la vallée de la Bourbre créé le musée
« Histoire de la galoche », unique en France, dans une dépendance du château de Virieu. Inauguré en avril 2019, le musée est présenté avec force détails par les membres de l’association, qui savent rendre « vivante » cette chaussure à semelles de bois. Ainsi chaque visiteur, petit ou grand, après un saut émouvant dans le passé, repart avec en mémoire l’histoire de ce patrimoine qui a failli disparaître.

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